Accompagner un sénior, une personne handicapée (que le handicap soit mental ou moteur, visuel, auditif) entraîne forcément un stress, à moins d’être un professionnel de l’accompagnement et d’avoir été formé à cela. On s’enchaîne pendant un temps à quelqu’un dont on est responsable. Il va falloir être attentif, on va être contraint de marcher moins vite, on va devancer les problèmes avant même qu’ils surgissent se créant ainsi un état d’anxiété qui n’est pas nécessaire.
Les légères angoisses ne sont pas seulement liées au fait de se sentir responsable de quelqu’un. Un.e sénior nous renvoie à notre peur de vieillir, à un devenir inéluctable, une projection assez désagréable. Quant à la personne handicapée elle nous renvoie, la plupart du temps, à une autre peur. Celle de la différence dans le cas des handicaps de naissance, ou la peur de l’accident qui change la vie dans le cas de handicap plus tardifs. Il est d’ailleurs étonnant de voir comment les émotions divergent selon les handicaps et leurs origines : un handicap mental ou cognitif, par exemple, procurera plus d’appréhension qu’un handicap moteur qui lui, procurera une empathie immédiate surtout s’il est de naissance. La première chose, qui se fait assez naturellement est de passer au dessus de ses craintes, comme une première victoire sur soi-même. Et le voyage ne fait pourtant que commencer !
Comme tout engagement solidaire, on se retrouve en porte à faux entre deux sentiments opposés : d’un côté l’envie de rendre service, de participer à une solidarité communautaire, et de l’autre l’impression de se priver de liberté en se mettant une responsabilité, un fardeau sur le dos. Il arrive toujours un moment où on se demande pourquoi on s’afflige cela ? Qu’en tire-t-on comme bénéfice ? Aider l’autre c’est toujours se confronter à ses propres limites, pour les dépasser.
Un mieux être «physiologique»:
Plusieurs études d'universités prestigieuses (parmi lesquelles York) ont démontré qu'aider autrui, notamment par une action bénévole, agit sur une partie du cortex cérébral qui produit de la dopamine et de l'ocytocine. Kezako? Elles sont aussi surnommées les hormones "du bonheur". Elles agissent sur notre lien social, l'empathie et l'estime de soi. Elles participent pleinement au bien-être général et à rester en bonne santé en réduisant le stress et l'anxiété. Pour les spécialistes des neurosciences, prendre soin d'autrui, lui rendre service, peut augmenter le niveau de dopamine. Mais ce n'est pas automatique, encore faut-il le faire dans un bon état d'esprit!
Un mieux-être psychologique:
Il y a deux façons de rendre service : le faire avec un total altruisme, rendre service sans rien attendre en retour ou bien au contraire le faire dans un but bien précis, rechercher une satisfaction personnelle ou financière. On va être franc, se positionner en sauveur, ou en aidant parce qu’on peut le faire, satisfait notre égo. Et cela peut être d’autant plus satisfaisant qu’on joint l’utile à l’agréable.
Cas pratique:
Imaginez un peu : plutôt que de faire un covoiturage classique, vous décidez de faire un covoiturage solidaire et d’accompagner un jeune atteint de trisomie qui se rend dans son école spécialisée. Vous avez hésité longuement avant d’accepter, en vous demandant si vous serez capable de gérer les éventuelles complications : « si jamais il fait une crise » « si il y a un problème »... Vous savez que vous allez devoir être beaucoup plus attentif, peut-être même que vous vous êtes documentés et que vous êtes tombés sur les pires histoires, ou les meilleures. Il y a aussi votre petite voix intérieure qui vous dit à quel point ça va être bien de faire un tel geste. Vous allez vous sentir utile. Et en plus le voyage est payé !
Le jour J vous êtes un peu tendu.e mais vous êtes bienveillant.e avec votre nouveau pilote ! Au fur et à mesure, vous vous détendez, vous ne pensez même plus aux désagréments. Il va falloir vous arrêter sur une aire d’autoroute pour une pause « technique » et vous allez vous surprendre à faire les choses simplement, à prendre soin de l’autre sans qu’il ait besoin de le demander.
Un trajet avec Mon Copilote À l’arrivée vous serez peut-être étonné.e de votre état de bien être, tout simplement parce que l’estime de vous en aura pris un sacré coup, dans le positif ! Avec ce voyage un peu particulier vous serez passé.e par tous vos états, anxiété, peur, rire, joie, lâcher-prise. Vous serez content de l’avoir fait et de vous dire que finalement ce n’était pas si compliqué. Et surtout vous serez touché.e plus que vous ne le pensez par la sincère reconnaissance de votre passager!
En un trajet vous aurez pris votre dose de dopamine et d’ocytocine tout en vous lustrant l’égo et en plus vous aurez la reconnaissance sincère pour le service rendu. Tout le monde est gagnant, surtout vous !
Oui mais (si ça se passe mal?)
En psychologie il y a toujours le « Oui mais » qui est un peu notre ligne Maginot intérieure. Que va-t-il se passer si le pilote fait un malaise, ou une crise ? Dans ces cas là vous aurez été prévenu en amont de cette éventualité et on vous aura donné les clefs pour y faire face. Il y a de fortes chances pour que vous stressiez et que vous ayez quelques angoisses qui sont propres à déclencher une bonne dose d’adrénaline (tiens, encore une hormone !). Et sans trop y réfléchir, vous allez vous souvenir qu’on vous a tout expliqué et vous allez appliquer le protocole. Parfois il suffit juste de parler pour apaiser ou alors d’appeler les services de secours. Dans tous les cas, vous ferez ce que vous avez à faire en un temps record. Quand tout sera terminé vous serez surpris, agréablement, de ce que vous avez été capable de gérer.
Dans tous les cas, vous êtes gagnants car aider l’autre est toujours un système gagnant/gagnant. Et si ce n’est pas toujours vrai financièrement, ça l’est toujours humainement.
Conclusion, si vous voulez vous faire du bien: devenez copilote et aidez autrui avec le sourire !
Sources : Cairn, revue de neuropsychologie, 2010- Mécanismes neurophysiologiques impliqués dans l’empathie et la sympathie – Jean Decety.
Matthieu Ricard –« Plaidoyer pour l’altruisme » Nil Editions – 2013
Christophe André, revue Cerveau& Psycho n°60 - 2013
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